Actualité aéronautique
Bourget 2011 : Le salon le plus mal organisé au monde ?
Article publié le 24 juin 2011 par David Barrie
Provocation ? Exagération ? Fait avéré ? Certains points noirs sont venus ternir l'image du plus grand salon aéronautique du monde.
La question peut sembler provocatrice, voire extrême. Néanmoins, après quatre jours de journées professionnelles et trois jours dédiés au grand public, force est de constater que sur de nombreux points, le salon aéronautique du Bourget souffre d'un manque flagrant d'organisation, voire de mauvaise volonté.
Il est toutefois difficile de comparer avec d'autres grands salons dans le monde. Dans les pays du Moyen-Orient par exemple, les organisateurs n'ont pas les mêmes impératifs de circulation ou d'espace. On peut cependant comparer le Bourget avec l'autre grand salon européen, Farnborough. Le salon de Farnborough se déroule en juillet, lors des années paires (et le Bourget dans les années impaires). Il est situé à une quinzaine de kilomètres de Londres, quand la plateforme du Bourget se trouve aux portes de Paris, à seulement cinq kilomètres du Stade de France. Le salon de Farnborough est également plus petit, en superficie.
Les deux salons européens sont toutefois comparables quant au nombre de médias couvrant les événements et les annonces des exposants.
Le point de vue de la presse
AeroWeb-fr.net couvrant les deux salons, il nous est plus aisé de dénicher les différences et les problèmes.
Commençons par les centres de presse. Les journalistes peuvent avoir besoin d'un espace de travail disponible toute la journée, du matin très tôt au soir tard. Les organisateurs de Farnborough l'ont bien compris et le centre de presse ouvre dès l'ouverture des portes du salon à 7h00. Bien que peu nombreux à cette heure, les médias apprécient de pouvoir s'abriter au cas où la pluie tombe, surtout au Royaume-Uni. Le soir, même si les hôtesses en charge du centre de presse sont parties, le bâtiment reste ouvert jusqu'à 20h pour que les équipes sur place puissent terminer leur travail. Au Bourget, la logique est différente. Alors que le salon ouvre ses portes dès 7h00, le centre de presse reste fermé aux journalistes jusqu'à 8h30, sauf pour les médias ayant payé un bureau au sein du bâtiment. Qu'il pleuve ou qu'il vente (et ce fut le cas!), nous avons été obligés de rester dehors, trempés ... Après la fin du salon, vers 18h, une responsable passe dans la salle de travail pour avertir que le centre fermera à 18h30. Lorsque, le premier jour, les journalistes ne sont pas partis à l'heure, l'organisation a eu la bonne idée de couper les connexions à internet pour obliger les correspondants à quitter les lieux. A partir du deuxième jour, l'accès à internet a été coupé à 18h30 précisément.
De plus, les personnes couvrant le salon transportaient souvent des équipements lourds et encombrants et auraient eu besoin de laisser leurs affaires à une consigne proche du centre de presse. Au Bourget, la seule consigne existant se trouve à l'entrée du salon et chaque bagage laissé vous coûtera 3€ ... Inutile de vous dire que ce système présente de nombreux inconvénients par rapport à ce qu'offre le salon de Farnborough. Au Royaume-Uni, une pièce à l'entrée du centre de presse demeure ouverte toute la journée et les Air Cadets de la Royal Air Force restent à votre disposition pour la dépose des sacs lors des déplacements sur le salon, gratuitement. L'avantage revient donc clairement au salon anglais pour la simplicité de sa solution.
Le centre de presse du salon du Bourget a gagné en espace, mais est toujours restreint en superficie comparé à Farnborough. Point de grandes salles de conférences ou de salles de travail avec trente ordinateurs pour travailler. Le salon du Bourget a beau être le plus grand salon aéronautique du monde, il fait pâle figure comparé à son concurrent d'outre-Manche sur ce point. Outre-Manche, c'est l'efficacité qui prime. Les journalistes bénéficient de plus de temps car les exposants se déplacent au centre Médias pour les annonces et les conférences de presse. A Paris, c'est le contraire.
Enfin, plus surprenant, seuls les personnes portant un badge "Presse" ont l'autorisation d'entrer dans le centre de presse. Normal ? Oui et non ; lorsqu'un des chefs de la communication d'Airbus a tenté d'entrer dans le bâtiment pour parler à un journaliste dans un bureau, il a tout simplement été refoulé comme s'il n'avait rien à faire là. Rien à faire, il a fallu que le responsable de la sécurité se déplace pour que celui-ci ait l'autorisation temporaire de rentrer dans l'antre !
J'ai fini de râler concernant les conditions de la presse. Tout n'est pas négatif cependant, mais les points positifs sont similaires à ce qu'on peut voir à Farnborough ; les exposants traitent les médias de la meilleure manière pour les attirer dans leurs chalets ou sur leurs stands pour rencontrer des personnalités et les faire participer aux conférences de presse ou à des visites.
L'exposition statique des aéronefs
Peu de différences ici, mais l'organisation des chalets en ligne devant la piste pour offrir aux VIP une position de choix pour les démonstrations en vol entraîne des conséquences assez désagréables. L'espace entre les chalets qui longent la piste et les bâtiments est relativement important, mais les avions doivent passer en plein milieu de la foule pour rejoindre les taxiways. Les personnels de sécurité créent donc des cordons pour laisser avancer les appareils. Pour le Superjet SSJ-100, l'encombrement commence à devenir important, mais reste acceptable. Cependant, lorsque l'A380 doit reculer et bouger, le public reste coincé pendant près de quarante minutes ! Quand on est là pour les démonstrations en vol, on peut se permettre d'attendre, mais lorsqu'on doit traverser la zone de sécurité pour se rendre chez un exposant de l'autre côté, il faut négocier et rester diplomate. A Farnborough, les avions sont parqués en bord de piste et le public peut accéder aux abords des appareils jusqu'à environ midi, quand le meeting se prépare et que les aéronefs commencent à être déplacés.
AeroWeb-fr.net a reçu des témoignages faisant état de problèmes similaires lors de la prmière journée publique, vendredi 24 juin 2011 : "Lors des exibitions aériennes ,les organisateurs ont décidés de déplacer l'A380 de la zone d'exposition statique à la zone de roulage alors que des milliers de personnes étaient massées le long de la piste. Ceci a provoqué un immense déplacement de foule sur une zone non prévue a cet effet et pouvant générer des problèmes de sécurité. La gendarmerie a dû intervenir munie de haut parleurs pour redéplacer les pauvres spectateurs." Exemple navrant qui illustre bien ce qui a été expliqué ci-dessus, mais à une échelle encore plus importante.
Les transports à Paris
Londres et Paris sont deux zones à peuplement similaires avec un peu plus de onze millions d'habitants dans la région londonienne et en Ile-de-France. Les transports sont problématiques dans les deux centre urbains. Pourtant, les deux salons ont adopté deux stratégies différentes en ce qui concerne les transports pendants ces événements.
Farnborough privilégie une zone blanche où seuls sont autorisés les bus effectuant des navettes entre un parking géant dans un parc et le salon, ou entre la gare et le salon. Il est impossible de se garer sur le salon pour les exposants, la presse ou les invités. Bien qu'il faille un peu de temps (mais pas énormément jusqu'à 7h30) pour se rendre sur ces lieux de stationnement, les déplacements en bus sont rapides et efficaces. Il ne fallait pas plus de temps pour se rendre à Farnborough tôt le matin que pour une journée normale de travail à Londres. En 2010, il nous a fallu dix à vingt minutes de plus sur le trajet que lors d'une semaine "normale" sans salon.
A Paris, les autorités ont préféré intégrer les déplacements en bus à la circulation traditionnelle et supplémentaire due au salon. En résultent des trajets sur trois kilomètres qui ont pu durer jusqu'à quarante-cinq minutes. Mardi 21 juin en particulier, il était plus rapide de marcher que de prendre le bus ; un comble ! La gestion de la circulation par les forces de l'ordre fut assez chaotique. Il aurait peut-être été plus simple de fermer la bretelle d'autoroute arrivant à l'entrée du salon pour privilégier les transports en commun. Ce ne fut pas le cas.
On peut se demander si, habitué au Sud-Ouest moins peuplé que la région parisienne, je ne plaignais pas sans fondement. De nombreuses personnes se rendant au salon ont eu la même réflexion. L'incompréhension de nos collègues américains ou britanniques pouvait se lire sur leurs visages ou sur leurs billets, après coup.
Pour terminer, un seul mot de l'entrée du salon. Les bus arrivaient en porte L3 où quatre queues de filtrage avaient été placées. Vite, dès 8h, les lignes sont devenues bondées. Après la sécurité, le contrôle des badges s'effectuait sur deux portes. Là encore, un ralentissement s'est créé, de manière complètement inutile et prévisible ! Je ne peux pas croire que les organisateurs n'aient pas pensé que les entrées allaient atteindre leurs limites même avant les heures de pointe.
Un grand salon pourtant
Ce coup de gueule ne conteste pas que le salon du Bourget est le plus grand et le plus intéressant salon aéronautique du monde. C'est au contraire un plaidoyer pour le rendre plus sympathique et agréable. Cela ne tient finalement qu'à peu de choses. Qu'est-ce que quelques employés de plus pour laisser le centre de presse ouvert quelques malheureuses heures de plus ou des entrées plus étalées pour fluidifier la foule comparés aux sommes exorbitantes dépensées pour des voiturettes électriques de golf (les golfettes pour transporter les VIP), les traiteurs de premier plan ou des chalets luxueux installés pour six jours ?
Cette attitude est dommageable quand on sait que des centaines de journalistes internationaux se rendent sur le salon et voient en celui-ci l'organisation des Français. Même, certains très modérés se sont dits déçus de cette politique incompréhensible. A quand le changement ?
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